La communication entre neurones

C’est au niveau des neurones que les drogues agit : en effet, les drogues psychoactives interfèrent avec la transmission des messages nerveux, notamment au niveau du système nerveux impliqué dans la récompense, comme décrit dans l’onglet Le bonheur.
Afin de comprendre leur fonctionnement, il faut en premier lieu comprendre comment les neurones transmettent des signaux d’un neurone à l’autre.

  • Les neurones

Un message nerveux correspond à un stimulus électrique transmis entre des cellules nerveuses, appelées neurones. Le corps humain compte entre 86 et 100 milliards de neurones. Un neurone est composé d’un corps cellulaire, comprenant le noyau (ou soma) et les dendrites (élément post-synaptique), des prolongements cellulaires, mais aussi de l’axone, un autre prolongement dont la taille peut varier d’un millimètre à plus d’un mètre, et portant sur son extrémité des boutons synaptiques. Les boutons synaptiques contiennent les vésicules synaptiques où les neurotransmetteurs sont stockés. On retrouve dans le cytoplasme de cette cellule nerveuse le réticulum endoplasmique rugueux, les appareils de Golgi, des mitochondries et des neurofilaments. L’axone est souvent recouvert de façon discontinue d’une gaine en myéline séparée par des nœuds de Ranvier, permettant une plus grande vitesse de passage de l’information nerveuse.

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Schéma d’un neurone                                            Image d’un neurone vu au microscope

La propagation d’un stimulus électrique nécessite des neurones polarisés : il y a une distribution inégale de charge dans le neurone. Il y a donc une différence de potentiel (d’environ -70mV), le potentiel de repos du neurone : il est dû à un équilibre entre la quantité de K+ sortant de la cellule (où il est en forte concentration) et la quantité de Na+ entrant dans la cellule (où il est peu présent).

Toutes les cellules du corps ont une distribution inégale de K + et Na +, avec les ions Na + à l’extérieur et les ions K + à l’intérieur de la cellule. Cette distribution inégale est provoquée par la pompe Na +/K +. Par conséquent, les ions Na + voudraient entrer et les ions K + voudraient quitter la cellule. La membrane possède des canaux grâce auxquels les ions peuvent se répandre d’un côté à l’autre. Tant la pompe Na +/K + que la fuite inégale des ions Na + et K + mènent au développement d’un potentiel de membrane qui se stabilise à-60 mV pour beaucoup de cellules. Ceci est appelé « le potentiel de repos de membrane ». Pour la plupart des cellules, sa valeur reste négative, bien qu’elle varie selon le niveau de fuite des ions Na + et K +.

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Potentiel membranaire d’un neurone polarisé

Les neurones diffèrent des autres cellules du corps par la présence des canaux à ions Na+ sur leur membrane, sensibles aux modifications de potentiel, ce qui les rend « excitables ». ce type de neurones dits « excitables » se retrouvent aussi dans les cellules du muscle du cœur, les cellules neuroendocriniennes dans des glandes et les cellules des muscles lisses des boyaux. L' »excitabilité » signifie qu’à partir d’une certaine valeur de potentiel membranaire, les canaux à Na+ s’ouvrent pendant une période brève (quelques millisecondes) et, à cause d’un plus grand afflux de Na +, on observe un changement temporaire du potentiel de membrane, qui passe d’une valeur négative à une valeur  positive (la dépolarisation). Lorsque le canal à Na+ se ferme, celui à K+ s’ouvre, par lequel le flux d’ions rétablit le potentiel de repos, grâce au phénomène de repolarisation. L’hyperpolarisation s’explique par le fait que les canaux à K+ restant ouverts très longtemps, beaucoup d’ions K+ vont sortir de la cellule. Le potentiel de repos est ensuite rétabli par une pompe Na+/K+.
Le phénomène de dépolarisation temporaire est nommé « le potentiel d’action » et une fois qu’il est amorcé, il se propagera rapidement le long de la membrane neuronale, allant d’un site à l’autre du neurone. Ces arrêts de signal à la frontière entre deux neurones, u
ne structure a nommé la synapse.

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Evolution du potentiel membranaire en fonction du temps

Les variations de potentiel sont dues à des variations de concentration en ion dans le neurone, possibles grâce à la présence de transporteurs actif comme des pompes Na+/K+, ou passif comme les canaux ioniques.

Rappelons le fonctionnement de ces deux types de transporteurs :
– La pompe Na+/K+ :
Ce transporteur est considéré comme actif primaire puisqu’il nécessite la présence de l’ATP, principale « monnaie » d’énergie de nos cellules.
Le principe de ce transporteur membranaire est de faire traverser des ions K+ et des ions Na+ à l’aide d’ATP et de la réaction de phosphorisation : l’ion et l’ATP se fixe à la pompe. La phosphorisation transforme l’ATP en ADP et groupement phosphate. L’intérieur de la cellule est abondant en K+ mais pauvre en Na+, alors qu’à l’inverse, l’extérieur possède une concentration forte en Na+ et plus faible en K+. La pompe, n’étant pas électro-neutre, fait sortir 3Na+ pour faire entrer 2K+. Cela permet alors d’entretenir un potentiel membranaire, c’est-à-dire le potentiel de repos.

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      Fonctionnement d’une pompe Na+/K+

– Les canaux ioniques :
Le déplacement des ions dans les canaux ioniques se fait en fonction du gradient. En effet, les ions K+, très abondant à l’intérieur de la cellule va être amené à sortir de la cellule pour rejoindre le milieu extracellulaire, pauvre en K+ : le sens de déplacement est donc contre-gradient.
Les canaux sont spécifiques à certains ions, ils agissent en filtre de sélectivité : l’ion qui entre dans le canal trouve exactement le même environnement qu’à l’extérieur. Par exemple, l’ion K+, normalement entouré de molécules d’H2O, se retrouve entouré de charges négatives (portées par des acides aminés) semblables à celles d’H2O dans le canal, avant de retrouver son environnement d’H2O à la sortie du canal.

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Canal ionique à K+

Ainsi, le potentiel d’action est transmis le long de l’axone du neurone, avant d’atteindre les boutons synaptiques, à l’extrémité du neurone. Le message nerveux peut alors être transféré au neurone suivant par la synapse.

  • La synapse

Quand un potentiel d’action arrive à une synapse, il cause l’afflux d’ions Ca2+, entraînant alors la sortie du neurotransmetteur. Le neurotransmetteur traverse la synapse et se lie aux récepteurs spécifiques du neurone adjacent. Cette fixation entraîne l’ouverture de canaux ioniques sur l’élément post-synaptique par lesquels des ions Na+ présent dans la fente synaptique passent pour entrer dans le neurone suivant. S’ensuit alors une dépolarisation avec une entrée d’ions K+ et alors la création d’un nouveau potentiel, le potentiel post-synaptique.
Ce qui arrive dépend du neurotransmetteur. Certains neurotransmetteurs, comme le glutamate et l’acétylcholine, augmentent la conductivité des ions Na+, le potentiel de membrane diminue et si assez de neurotransmetteur est libéré, l’augmentation du flux de Na + crée un nouveau potentiel d’action. Un autre neurotransmetteur, gamma-amino-butyric acide (GABA) augmente la conductivité d’ions chlore négativement chargés (les ions Cl-), et ceux-ci font le contraire, ils augmentent le potentiel de membrane, qui s’abaisse à-70mv, et empêche un nouveau potentiel d’action. Les neurones subissent l’influence de beaucoup d’autres neurones, libérant des neurotransmetteurs stimulateurs ou des neurotransmetteurs inhibiteurs et ceci détermine, comme un processus de vote, si les potentiels d’action sont induits ou non. Les drogues psychoactives modifient ce processus en changeant les concentrations de neurotransmetteurs ou en modifiant le potentiel de membrane des neurones. Selon leur nature, ils peuvent compliquer ou faciliter des potentiels d’action.

Il existe une cinquantaine de neurotransmetteurs mais chacun est spécifique à la transmission d’un message nerveux précis (la douleur par exemple).
Ces neurotransmetteurs sont évacués du bouton synaptique par exocytose régulée c’est-à-dire que la vésicule fusionne avec la membrane du neurone pour déverser ses neurotransmetteurs dans la fente synaptique.

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                                                                                    Une synapse

Les messages nerveux peuvent alors être transmis entre cellules par les neurones et les synapses. Nous allons alors regarder comment un message de douleur ou d’euphorie peut être véhiculé, et comment agit la morphine sur ces mécanismes.