Pour les curieux

Quelle dose pour devenir addict ?

Le phénotype de l’addiction dépend de la durée de l’exposition a la drogue au cours des jours, nécessitant au moins 2 mois d’auto-administration du médicament pour que les comportements liés à l’addiction apparaissent même chez les quelques individus vulnérables. (Il est à noter que bien que l’utilisation intensive de drogues ait été détectée à l’aide de plusieurs types de médicaments, le passage à la phase LoC n’a été étudié qu’avec de la cocaïne.)

Y a-t-il une différence entre plaisir procuré par le sucre par exemple et celui par la drogue ?

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Un problème majeur dans la lutte contre la toxicomanie est l’envie induite par les stimulis extérieurs associés à la prise de médicaments, car cela peut conduire à une rechute. Le scientifique M.Kalivas et ses collègues montrent maintenant que la rechute induite par le signal que procure la prise de cocaïne chez les rats est associée à une potentialisation synaptique rapide et transitoire dans le noyau accumbens (NAc). Des rats ont été formés pour auto administrer la cocaïne grâce à un mécanisme composé de deux leviers. La pression d’un des deux leviers (le levier actif) déclenche une infusion intraveineuse de la drogue et, simultanément, une lumière et un son. En appuyant sur l’autre (inactif), le rat ne reçoit rien. Après 10 jours de formation, les rats ont subi une procédure d’extinction, qui consiste à supprimer l’effet du levier actif.

Les rats cherchaient à activer le levier actif, toujours couplé à la lumière et à la sonnerie, déclenchant une réintégration de l’effet que cela lui procurait (la lumière et le son correspondant aux stimulis extérieurs), reflétant vraisemblablement les tentatives du rat pour obtenir de la cocaïne.

Les scientifiques ont montré dans les tissus du noyau accumbens de ces rats que, après la formation à l’administration de la cocaïne et l’extinction (c’est-à-dire avant la réintégration), les neurones épineux moyens (MSN) dans le noyau NAc avaient des diamètres plus grands. De plus, on observe un ratio plus élevé des récepteurs AMPA/NMDA par rapport aux rats témoins, ce qui indique une potentialisation synaptique.

En effet, lorsque les axones qui font des connexion sur les neurones pyramidaux de l’hippocampe sont stimulés à haute fréquence, l’amplitude du potentiel excitateur enregistré dans ces neurones est augmenté pour un longue période (jusqu’à plusieurs semaines).

Le glutamate, qui est le neurotransmetteur relâché dans ces synapses, se fixe sur plusieurs sous-types de récepteurs différents dont deux sont particulièrement important pour la PLT (Potentialisation à long terme ou synaptique) : les récepteurs AMPA et NMDA.

Le récepteur AMPA est couplé à un canal ionique qui provoque l’entrée de sodium dans le neurone post-synaptique lorsque du glutamate s’y fixe. Cette entrée de sodium amène la dépolarisation locale du dendrite et, si cette dépolarisation atteint le seuil de déclenchement du potentiel d’action, la transmission de l’influx nerveux dans le neurone suivant.

Le récepteur NMDA est également un récepteur couplé à un canal ionique, mais c’est le calcium qu’il laisse entrer de façon privilégiée dans la cellule. Au potentiel de repos de celle-ci, ce canal calcique est cependant bloqué par des ions magnésium (Mg2+) qui, même si du glutamate s’y fixe, empêche l’entrée de calcium dans le neurone. Pour que ceux-ci se retirent du canal, le potentiel membranaire du dendrite doit être dépolarisé.

La potentialisation synaptique induite par la réintégration était spécifique à la cocaïne: lorsque les scientifiques ont répété l’expérience en utilisant la récompense naturelle du saccharose, les rats ont montré une réintégration comportementale induite sans modification du diamètre des neurones épineux ou du rapport AMPA / NMDA.

La constatation que les stimulis externes associés à la cocaïne, mais pas ceux associés au saccharose, peuvent induire des changements rapides et temporaires dans le noyau acculmbens. Cela peut expliquer pourquoi il est plus difficile de résister au désir que le manque de drogue nous provoque plutôt qu’à ceux induits par les sucres pour les récompenses naturelles. En outre, la plasticité synaptique qui semble être unique à l’envie de drogue et à la rechute suggère la possibilité de cibler la toxicomanie sans affecter d’autres comportements motivés.

Peut-on devenir accro à cause de la péridurale ?

La péridurale est donnée lors de l’accouchement, pour éviter à la future maman de trop souffrir. Elle consiste à lui administrer un produit bloquant les sensations douloureuses provenant de l’utérus et du périnée. La péridurale est composée d’un anesthésiant local et d’adjuvants qui servent à diluer l’anesthésiant. Les anesthésiants utilisés sont la bupivacaïne et la ropivacaïne qui s’associent avec la morphine. Quant aux adjuvants, ils sont analgésiques (c’est-à-dire qu’ils diminuent la sensation de douleur).

Parmi ces adjuvants, il y en a de type morphinique, le sufentanil et le fentanyl. Comme il s’agit de dérivés de la morphine (une drogue dont on peut devenir accro), nous pourrions penser que cela pourrait engendrer une envie d’en reprendre après la péridurale. De plus, des études menées au Canada en 2016 ont rapporté que 100 overdoses dues au fentanyl ont été recensées. Ainsi il est donc possible de devenir accro à un dérivé de la morphine.

Or la dose est tellement infime, et la fréquence de péridurales faites à une même femme faible (car la péridurale est propre à l’accouchement), devenir accro aux dérivés morphiniques est nulle. (dans le cas de la péridurale).

Une animation qui résume le fonctionnement synaptique pour différentes drogues : Mouse party

7 réflexions sur “Pour les curieux

  1. C très joliment ecrit et on s instruit agréablement; sympa la petite animation à la fin, la partie « pour les curieux » est ma préférée ; super les filles !

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